Pensée en acte

Hannah Arendt, la pensée en acte

Hannah Arendt est une philosophe connue, mais pour ceux qui n’auraient jamais entendu parler d’elle, le film de Margarethe Von Trotta leur permettra de combler cette lacune. Le titre du film, Hannah Arendt, pourrait laisser penser que la réalisatrice a cherché à s’intéresser à la vie de la philosophe. Il n’en est rien, c’est un épisode bien précis dans la vie intellectuelle de Hannah Arendt qui retient l’attention de Margarethe von Trotta.

En 1960, la philosophe couvre le procès du criminel de guerre nazi Adolf Eichmann à Jérusalem pour le compte du New Yorker. Les analyses de l’auteur et le livre qui en découlera provoqueront la polémique. Hannah Arendt décrira Eichmann non comme un être maléfique mais comme un fonctionnaire tristement zélé et dénué de perversité. À son sujet, Hannah Arendt parlera de « banalité du mal » : c’est parce que les hommes ont renoncé à penser que le pire a pu se produire. L’holocauste est le résultat de la collaboration zélée de tous les membres d’une bureaucratie et non d’une volonté mauvaise tapie dans les consciences. Cette nouvelle définition du mal comme banalité se révèle tout aussi effrayante que la définition classique d’inspiration théologique.

Mais l’analyse rationnelle d’Arendt se heurte au traumatisme psychologique des communautés juives meurtries par la Shoah. On ne lui pardonne surtout pas d’avoir écrit que les chefs des communautés juives avaient parfois collaboré indirectement et contribué de ce fait au processus d’extermination.

Le film a plusieurs mérites. Premièrement, il montre une pensée en train de s’élaborer, une analyse conceptuelle en train de s’effectuer ; deuxièmement, il rappelle que les philosophes soucieux avant tout de la vérité s’émancipent de toutes les tutelles qu’elles soient symboliques ou sociales. Pour Hannah Arendt, ce qui importe c’est de comprendre le mécanisme de la Shoah de la manière la plus rationnelle possible. Or, la raison des philosophes rencontre souvent l’incompréhension du commun des mortels pour qui la philosophie doit se couler dans le discours attendu. Arendt en philosophe digne de ce nom résiste au chantage de l’affect et conserve jusqu’au bout son attitude réflexive. Enfin, d’un point de vue formel, on apprécie dans le film le travail de certains plans et l’utilisation habile des effets de lumière qui soulignent la solitude de la philosophe.

 

Hannah Arendt, un film de Margarethe Von Trotta sorti le 24 avril 2013.

2 réflexions sur « Pensée en acte »

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