L’évolution du mal dans le cinéma de John Carpenter

John Carpenter : cinéaste d'horreur américainAprès le concept de « banalité du mal » chez Hannah Arendt, je vous invite à faire une petite incursion dans l’univers maléfique du cinéaste américain John Carpenter.

Le mal représente une thématique importante dans l’œuvre de John Carpenter. Plus précisément, Carpenter s’intéresse à la confrontation d’individus non conformistes et aux caractères bien trempés, face aux figures menaçantes et diaboliques présentes dans ses différents films. En règle générale, ce ne sont pas les individus les plus conventionnels qui survivent.

Des films comme Assaut (1976) ou encore Halloween (1978) marquent une première étape dans ces rapports. Dans Assaut, les trois personnages principaux, qui luttent contre des assaillants anonymes et déterminés, parviendront à repousser le péril sans être détruits psychologiquement par leur combat meurtrier. Il en est de même pour l’héroïne Laurie Strode dans Halloween, qui met en échec la figure inquiétante et quasi-surnaturelle du serial killer Michael Myers. Dans ces deux films, les héros parviennent à survivre, contre toute attente.

Dans ses films de la maturité, John Carpenter accentue encore la puissance du mal qui prend une allure cosmique. C’est par exemple la figure terrifiante de l’alien qui contamine et se régénère en dupliquant la forme humaine dans The Thing (1982). C’est aussi la présence de l’anti-Dieu dans Prince des ténèbres (1987), qui installe le film sous le prisme du manichéisme et donne au mal une importance inégalée. Dans The Thing, MacReady, après avoir repoussé la menace extra-terrestre, est condamné à attendre la mort dans la station polaire dévastée. Les derniers plans montrent bien l’intention de Carpenter de signifier métaphoriquement la fin prochaine de l’humanité, vouée à la destruction parce que incapable de contenir le mal qui lui est propre. Dans Prince des ténèbres, Bryan, un jeune scientifique, ne peut oublier l’expérience traumatisante qu’il vient de vivre et reste plongé entre rêve et cauchemar, aux portes d’une vérité terrifiante.

Enfin, on peut noter la radicalisation de la puissance du mal dans les dernières fictions carpenteriennes. Dans L’Antre de la folie (1995), John Trent sombrera dans la démence en s’apercevant qu’il n’est que le personnage d’un film qui a recouvert la réalité. Cigarette burns, épisode réalisé pour la série Masters of horror (2006), marque un point d’achèvement dans la représentation et l’action du mal. On y voit Kirby, protagoniste principal, happé par la folie meurtrière émanant d’un film d’horreur, se suicider. Les scènes de violence qui jalonnent cette fiction sont d’une rare intensité. Jamais Carpenter n’avait poussé le gore aussi loin.

On peut avancer plusieurs explications à l’extrême pessimisme et noirceur des derniers Carpenter. Les deux derniers films cités ayant comme objet le cinéma d’horreur, on peut faire l’hypothèse que Carpenter cherche à pointer du doigt la violence gratuite du cinéma d’épouvante contemporain, débilitant et dénué de réflexion. Mais plus profondément, le ton de ses dernières réalisations semble indiquer que le pessimisme de John Carpenter, déjà leitmotiv de tous ses films, l’a emporté totalement sur la faible part d’espoir accordé à l’homme. Peut-on mettre ceci sur le compte de l’âge du réalisateur, qui en vieillissant a perdu de sa combativité ? Ou au contraire, en observant le monde, a gagné en lucidité ?

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